Klezmer
Le klezmer
est une tradition musicale des Juifs ashkénazes (d’Europe centrale et de
l'Est). Elle s’est développée à partir du XVe siècle et ses origines –
dépourvues de sources documentaires d’époque mais vraisemblables — seraient les
musiques du Moyen-Orient, ainsi que les musiques d’Europe centrale et d’Europe de
l'Est (Slaves et Tziganes).
Le mot
klezmer vient de l'association des mots klei et zemer, « instrument de chant ».
À l’origine le mot klezmer (pluriel : klezmorim) désignait donc les instruments.
Le sens a glissé et on a également appelé les interprètes les klezmorim.
En raison de
ses origines, la langue de prédilection de la chanson klezmer est le yiddish
(une langue d'origine germanique proche de l'allemand, avec un apport de
vocabulaire hébreu et slave), mais les langues locales étaient aussi utilisées.
Aspects culturels
Tant qu'ils
n’avaient pas une autre activité principale et ne jouaient
qu’occasionnellement, les klezmorim étaient principalement des musiciens
itinérants, qui ont participé aux mouvements migratoires des juifs d’Europe. À
l’instar de la langue yiddish, les klezmorim se sont nourris des musiques des
pays qu’ils traversaient, dans lesquels ils ont aussi laissé des influences.
Les conditions de vie précaires de ces musiciens qui jouaient dans les fêtes et
cérémonies populaires (parfois chrétiennes) ont contribué à donner à leur nom
klezmorim une connotation péjorative.
Dans le
domaine musical, les bourgeois juifs, souvent proches du mouvement Haskala,
préféraient orienter l'éducation de leurs enfants vers la musique classique. Ce
sera par exemple le cas pour les violonistes Joseph Joachim, Jascha Heifetz,
David Oïstrakh, Nathan Milstein et Yehudi Menuhin. C'est en partie grâce au
hassidisme, mouvement plus populaire, qui exprime par des chants et danses, la
joie de vivre et l'amour de Dieu, que la musique klezmer sera plus fermement
soutenue.
Thématiques
Les thèmes
des chansons font référence à la vie communautaire juive. Le Shabbat est
souvent évoqué ainsi que les fêtes religieuses, les rabbins sont des
personnages récurrents ; les autres éléments de la vie quotidiennes sont aussi
très présents (berceuses, évocation des métiers) et des évènements peuvent être
mis en chanson : tragiques comme l’incendie d'un shtetl (village), historiques
comme l’émigration vers les États-Unis (dans la chanson Di Grine Kuzine). La
mère étant un acteur primordial de la transmission du savoir dans la culture
ashkénaze, elle joue un rôle prépondérant dans les chansons (dans A Yiddishe
Mame).
Renouveau
La grande
immigration juive vers les États-Unis entre 1870 et 1920 a permis de préserver
la tradition klezmer, mais elle est progressivement passée de mode. Puis la
Shoah a détruit une grande partie de la tradition musicale klezmer en Europe.
Cependant, à
partir des années 1970, des artistes se sont à nouveau impliqués dans la
musique klezmer, tels que Giora Feidman, The Klezmatics avec David Krakauer, et
ont permis de remettre cette musique au goût du jour, voire de la faire évoluer
dans des directions nouvelles (cf. John Zorn, Koby Israelite).
En Pologne
également, des musiciens juifs, tel Leopold Kozłowski, continuent et
renouvèlent la tradition klezmer, tandis que des musiciens de la jeune
génération, tels André Ochodlo, renouent avec un héritage culturel yiddish
considéré comme partie intégrante des racines culturelles polonaises.
En France,
Klezmer nova, anciennement Orient express moving shnorers, est devenu une
référence tant par son exactitude dans l’interprétation des chants
traditionnels que par la qualité de ses productions aux orientations jazz.
Depuis les
années 1990-2000, des musiciens issus de tous les horizons (classique, jazz,
folk, pop, hip hop, electro, reggae …) sont les artisans d’une nouvelle
mouvance klezmer qui va bien au-delà de la conservation d'un genre figé. Ce
courant actuel se développe tout autant en Amérique qu'en Europe (Europe
occidentale, centrale et orientale, Russie). Parmi ces musiciens : 17 Hippies,
Socalled, Yom...
Aspects musicaux
On retrouve
dans la musique klezmer l'influence des musiques d'Europe centrale, d’Europe de
l'Est, des Balkans et des musiques tzigane et turque. Par ailleurs, une
influence de la musique martiale n'est pas impossible car beaucoup de musiciens
conscrits jouaient dans les fanfares militaires à l'honneur au XIXe siècle.
Aux États-Unis
la musique klezmer a intégré des éléments du jazz puis des musiques actuelles -
folk, rock, electro, hip-hop, spoken word - tout en faisant un retour aux sources
dans la vieille Europe.
Bien que les
klezmorim se produisaient pour toutes les communautés, leurs musiques sont
empreintes de culture juive ashkénaze. Son aspect mélancolique et les
complaintes des clarinettes imitent le son du shofar (instrument utilisé lors
des offices de Rosh Hashana et Yom Kippour à la synagogue), et son aspect
répétitif rappelle le chant du Hazzan (chantre de la synagogue).
Modes musicaux
La musique
klezmer semble avoir son origine dans la musique de l'Europe de l'est et repose
sur certains modes musicaux désignés par des noms de prières juive.
Rythmique
La musique
klezmer était à l’origine utilisée pour animer les danses, et les performances
pouvaient durer très longtemps. Ainsi le tempo n'était pas régulier mais
s’adaptait à la fatigue des danseurs, et bien sûr des musiciens. Cette
irrégularité de tempo s'est inscrite dans la tradition.
La rythmique
est marquée par les instruments de percussion mais aussi par des instruments
d’accompagnement comme le cymbalum. Elle se décline en divers rythmes
correspondant à des danses traditionnelles : Nigoun - Freylekh - Bulgar -
Khosidl - Hora lente - Terkish - Sirba - Sher - Taksim - Doina - Kolmeyke -
Hopak - Skotshne - Honga - Kasatchok
Instruments
Musiciens
pauvres et itinérants allant de village en village, les klezmorim n'utilisaient
pas d'instruments chers et lourds comme le piano, introduit plus tardivement
aux États-Unis dans les clubs et sous l'influence du jazz, tout comme le
saxophone.
Les lois
interdisaient souvent aux klezmorim les instruments forts tels les cuivres et
les percussions pour ne pas incommoder leurs voisins chrétiens. Pour cette même
raison, le nombre de musiciens dans l'orchestre était limité ainsi que la durée
de leurs performances.
Le violon, fidl en yiddish, instrument
facilement transportable et qui se prête à la modulation et au glissando, est
le plus symbolique des instruments klezmer.
La flûte, à partir du XVIIe siècle, avec le
piccolo de fabrication souvent artisanale.
Le tsimbl, ou cymbalum, instrument très
ancien, aux possibilités rythmiques, harmoniques et mélodiques.
Un tambour simple (tshekal) était souvent
utilisé en guise de percussion. Le baraban, ou poik2 qui est une grosse caisse
de petit format sur laquelle pouvait être disposée une petite cymbale. Un seul
klezmorim peut ainsi reproduire un soutien rythmique efficace.
le groyse fidl3 [en yiddish : gros violon],
également nommé sekund, kontra ou zsidó bratsch [en hongrois] est un alto à
trois ou quatre cordes dont le chevalet plat permet la production d'accords à
trois tons, donc un accompagnement harmonique. Les juifs ont utilisé
différentes versions de cet instrument avant son remplacement depuis la fin du
XIXe siècle par une plus grande prédominance des vents dans les ensembles de
klezmorim.
La clarinette, en ut et mi bémol à son
apparition dans les ensembles de klezmorim au XIXe siècle, est plus communément
aujourd'hui jouée en si bémol3. Elle est devenue depuis un instrument essentiel
du klezmer. Elle permet d’imiter le son du Shofar et de faire chanter les
lamentations typiques du klezmer.
L’accordéon, à boutons d'abord, à claviers
ensuite, comme dans la musique tzigane, apparaît à la même époque que la
clarinette.
La trompette, d'abord à palettes (ou pistons
rotatifs) dans la tradition musicale ashkénaze du XIXe siècle, et le cornet à
pistons. La trompette moderne (pistons de type Périnet4) est plus commune
aujourd'hui.
Violoncelle, le tshelo, et contrebasse sont
devenus des instruments klezmer. Certains orchestres utilisent le basy, une
petite basse jouée dans les Tatras en Pologne, fabriqué à partir d'un
violoncelle standard. Le basy a trois cordes ; Ré aigu et deux cordes de La en
octave, que l'on joue simultanément2.
La balalaïka a pu aussi être utilisée.
Le saxophone dans le klezmer contemporain (XXe
siècle), accompagne et complète la partie de clarinette, par exemple à la
tierce.
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