La fiction, bon vecteur de tolérance, estime Éric-Emmanuel Schmitt, sur scène mardi, à Moulins
« De même qu’il faut parler des problèmes et des conflits, il faut parler de leur résolution, de l’harmonie et de la paix qui existent entre des communautés différentes..?
Éric-Emmanuel Schmitt, écrivain humaniste, est convaincu qu’en luttant contre les ignorances, on peut lutter contre les fanatismes. Démonstration avec Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran , au théâtre de Moulins, mardi.
« Lire est un moyen de devenir l'Autre »
Interview
Interview
Voix douce et posée, reconnaissable entre toutes. Éric-Emmanuel Schmitt prend le temps de nous répondre malgré un emploi du temps chargé, entre son Théâtre Rive-Gauche et sa carrière d'écrivain. Sans oublier la sortie prochaine de Nuit de feu, chez Albin-Michel, un nouveau « récit autobiographique d'aventure et de voyage spirituel ».
Parce que parler d'humanisme lui tient à c'ur. Une des raisons pour lesquelles il a « réactivé » la tournée théâtrale de Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran. Mardi, ce sera au théâtre de Moulins. Une pièce qui porte un message de tolérance, à partir de la rencontre entre un gamin juif et "l'arabe du coin". Entretien.
n Que dit cette pièce dans un contexte d'attentats perpétrés au nom de la religion ? De même qu'il faut parler des problèmes et des conflits, il faut parler de leur résolution, de l'harmonie et de la paix qui existent entre des communautés différentes. La réalité concrète et vécue nous apporte parfois des histoires d'entente, complètement positives et dynamiques.
Dans cette histoire, il y a deux êtres que tout sépare : Moïse a 13 ans, il est juif ; Monsieur Ibrahim est un vieux monsieur, musulman. Ce sont deux grands solitaires. Momo a été abandonné par sa mère, et son père est en pleine dépression. Monsieur Ibrahim, on ne sait rien de lui, il est dans son épicerie de 8 heures du matin jusqu'à minuit, c'est "l'arabe du coin", qui n'est pas arabe, d'ailleurs. Ils vont changer la vie de l'autre, en se regardant, en se parlant. Momo va échapper à la violence, à un destin de voyou, ou en tout cas d'enfant malheureux. Monsieur Ibrahim va enfin pouvoir donner tout l'amour qu'il a en lui et toute la sagesse qu'il peut distribuer. Une sagesse qui lui est inspirée par le soufisme, ce courant de l'islam mystique, poétique.
n Cette histoire pleine d'espoir fait contraste avec le bouillon de mots dont on est abreuvé tous les jours : islamophobie, intégrisme, antisémitisme… Les religions sont les premières victimes du fanatisme et des intégrismes. Il faut respecter les gens qui cherchent Dieu, pas les gens qui parlent à la place de Dieu en prétendant l'avoir trouvé. La plupart des hommes sont dans une recherche – de Dieu, de la sagesse ou d'un rapport harmonieux avec autrui.
« Ce sont les ignorants
qui se fanatisent » La religion, telle qu'on la présente beaucoup aujourd'hui, c'est celle des usurpateurs. Les garçons qui veulent faire sauter les églises, qui tuent des militaires, qui massacrent des juifs ou l'équipe de Charlie Hebdo, n'avaient aucune instruction religieuse et se sont fait récupérer par des réseaux. Ce sont toujours les ânes, les ignorants qui se fanatisent. Et le fanatisme n'est pas au c'ur de la religion, c'est périphérique. On a instrumentalisé ces garçons pour des raisons de conquête.
au théâtre
La France laïque s'est-elle éloignée de l'apprentissage des religions ? Il y a une ambiguïté chez beaucoup de gens sur le mot « laïc », qui confondent laïcité avec athéisme. La laïcité, ce n'est pas l'athéisme, mais le garant des libertés individuelles intérieures, ce qui vous permet d'être athée, juif, musulman, protestant, chrétien, bouddhiste… Il ne faut pas la confondre avec un espace où les questions de Dieu, de la spiritualité et des religions sont supprimées.
n Comment peut-on expliquer les religions auprès des enfants ? J'y 'uvre de mon côté en écrivant des histoires. Le facteur de la peur ou de la haine, c'est l'ignorance de ce que pense l'autre, ce qui fait battre son c'ur, ses principes… Je pense que la fiction a son rôle à jouer dans la connaissance des autres religions, civilisations, âges ou sexes. Lire est un moyen de devenir l'Autre et d'explorer sa pensée.
n Que dites-vous aux profs d'histoire-géo, par exemple, qui peuvent peiner à aborder le conflit israëlo-palestinien en classe ? Je reçois des messages de profs qui font lire Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (c'est maintenant un des plus étudiés dans les collèges). Comme cette histoire se situe dans l'humain, dans le c'ur, dans le concret, dans la vraie vie. Ils la prennent d'abord là et ça provoque des discussions. C'est se rendre compte que la circoncision est commune aux musulmans et aux juifs, qu'ils ont certains livres de référence en commun. Alors, bien sûr, il y a des écarts, avec quelqu'un qui va clamer une conviction infondée, mais c'est une bonne occasion d'attraper au passage cette conviction et de faire réfléchir. Il ne faut pas baisser les bras.
n Que pensez-vous de cette confusion entre « religion », « nationalité «, « origine » et « bain de culture dans lequel on a été élevé » ? On a tous plusieurs couches identitaires ! On peut à la fois avoir une origine étrangère, baigner dans une culture, avoir une partie de sa famille qui est dans telle religion, l'autre qui l'a rejetée violemment. Après, il y a le rapport à la nation, le rapport à un groupe social… La simplification créé le conflit. Si on acceptait la complexité dont on est fait, on serait plus ouvert à la complexité de l'autre. On n'accepterait pas de se faire réduire à une chose, et de réduire l'autre. On ne peut pas réduire une femme à être une femme. De même pour un homosexuel, un musulman, un catholique, un Français, etc. C'est absurde, on est plein de choses à la fois. On a besoin de dire ça aujourd'hui ( soupi r). Parce qu'on est dans une culture de la polémique, qui aime le spectacle du débat.
n Avez-vous été invité à la télévision, récemment ? Je me suis tenu à l'écart, exprès.
Mathilde Duchatelle
Parce que parler d'humanisme lui tient à c'ur. Une des raisons pour lesquelles il a « réactivé » la tournée théâtrale de Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran. Mardi, ce sera au théâtre de Moulins. Une pièce qui porte un message de tolérance, à partir de la rencontre entre un gamin juif et "l'arabe du coin". Entretien.
n Que dit cette pièce dans un contexte d'attentats perpétrés au nom de la religion ? De même qu'il faut parler des problèmes et des conflits, il faut parler de leur résolution, de l'harmonie et de la paix qui existent entre des communautés différentes. La réalité concrète et vécue nous apporte parfois des histoires d'entente, complètement positives et dynamiques.
Dans cette histoire, il y a deux êtres que tout sépare : Moïse a 13 ans, il est juif ; Monsieur Ibrahim est un vieux monsieur, musulman. Ce sont deux grands solitaires. Momo a été abandonné par sa mère, et son père est en pleine dépression. Monsieur Ibrahim, on ne sait rien de lui, il est dans son épicerie de 8 heures du matin jusqu'à minuit, c'est "l'arabe du coin", qui n'est pas arabe, d'ailleurs. Ils vont changer la vie de l'autre, en se regardant, en se parlant. Momo va échapper à la violence, à un destin de voyou, ou en tout cas d'enfant malheureux. Monsieur Ibrahim va enfin pouvoir donner tout l'amour qu'il a en lui et toute la sagesse qu'il peut distribuer. Une sagesse qui lui est inspirée par le soufisme, ce courant de l'islam mystique, poétique.
n Cette histoire pleine d'espoir fait contraste avec le bouillon de mots dont on est abreuvé tous les jours : islamophobie, intégrisme, antisémitisme… Les religions sont les premières victimes du fanatisme et des intégrismes. Il faut respecter les gens qui cherchent Dieu, pas les gens qui parlent à la place de Dieu en prétendant l'avoir trouvé. La plupart des hommes sont dans une recherche – de Dieu, de la sagesse ou d'un rapport harmonieux avec autrui.
« Ce sont les ignorants
qui se fanatisent » La religion, telle qu'on la présente beaucoup aujourd'hui, c'est celle des usurpateurs. Les garçons qui veulent faire sauter les églises, qui tuent des militaires, qui massacrent des juifs ou l'équipe de Charlie Hebdo, n'avaient aucune instruction religieuse et se sont fait récupérer par des réseaux. Ce sont toujours les ânes, les ignorants qui se fanatisent. Et le fanatisme n'est pas au c'ur de la religion, c'est périphérique. On a instrumentalisé ces garçons pour des raisons de conquête.
au théâtre
La France laïque s'est-elle éloignée de l'apprentissage des religions ? Il y a une ambiguïté chez beaucoup de gens sur le mot « laïc », qui confondent laïcité avec athéisme. La laïcité, ce n'est pas l'athéisme, mais le garant des libertés individuelles intérieures, ce qui vous permet d'être athée, juif, musulman, protestant, chrétien, bouddhiste… Il ne faut pas la confondre avec un espace où les questions de Dieu, de la spiritualité et des religions sont supprimées.
n Comment peut-on expliquer les religions auprès des enfants ? J'y 'uvre de mon côté en écrivant des histoires. Le facteur de la peur ou de la haine, c'est l'ignorance de ce que pense l'autre, ce qui fait battre son c'ur, ses principes… Je pense que la fiction a son rôle à jouer dans la connaissance des autres religions, civilisations, âges ou sexes. Lire est un moyen de devenir l'Autre et d'explorer sa pensée.
n Que dites-vous aux profs d'histoire-géo, par exemple, qui peuvent peiner à aborder le conflit israëlo-palestinien en classe ? Je reçois des messages de profs qui font lire Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (c'est maintenant un des plus étudiés dans les collèges). Comme cette histoire se situe dans l'humain, dans le c'ur, dans le concret, dans la vraie vie. Ils la prennent d'abord là et ça provoque des discussions. C'est se rendre compte que la circoncision est commune aux musulmans et aux juifs, qu'ils ont certains livres de référence en commun. Alors, bien sûr, il y a des écarts, avec quelqu'un qui va clamer une conviction infondée, mais c'est une bonne occasion d'attraper au passage cette conviction et de faire réfléchir. Il ne faut pas baisser les bras.
n Que pensez-vous de cette confusion entre « religion », « nationalité «, « origine » et « bain de culture dans lequel on a été élevé » ? On a tous plusieurs couches identitaires ! On peut à la fois avoir une origine étrangère, baigner dans une culture, avoir une partie de sa famille qui est dans telle religion, l'autre qui l'a rejetée violemment. Après, il y a le rapport à la nation, le rapport à un groupe social… La simplification créé le conflit. Si on acceptait la complexité dont on est fait, on serait plus ouvert à la complexité de l'autre. On n'accepterait pas de se faire réduire à une chose, et de réduire l'autre. On ne peut pas réduire une femme à être une femme. De même pour un homosexuel, un musulman, un catholique, un Français, etc. C'est absurde, on est plein de choses à la fois. On a besoin de dire ça aujourd'hui ( soupi r). Parce qu'on est dans une culture de la polémique, qui aime le spectacle du débat.
n Avez-vous été invité à la télévision, récemment ? Je me suis tenu à l'écart, exprès.
Mathilde Duchatelle
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